Je sais qu'à l'époque on lavait le linge comme ça, dans de grand récipient, en superposant des couches de vêtements puis de cendre, et en versant de l'eau bouillante par dessus.
Pour la petite histoire, les grand récipient s'appelant à l'époque "ponne", tout du moins en Poitou Charente. Souvent présent dans un fournil car les cendres était récupéré directement du four à pain. Traditionnellement, on utilisait des cendres de peuplier : "Seulement celles de peuplier, les cendres des autres bois risquant de tacher le linge" (Cf. texte ci dessous).
Je dispose moi même d'une ponne et m’intéresse au technique utilisé à l'époque pour tenter l'expérience. La ponne est situé dans un colombier, à coter des reste d'un four. Je vous posterais une photo dans la journée.
Voici un peu de renseignement sur la façon de faire à l'époque et le pourquoi du comment. Information relatif au patrimoine du Poitou Charente (bassin Niortais) :
La " bujhaille " (grande lessive)
- Linge et lavage
Traditionnellement, et sauf cas de force majeure, la " laverie " (lavage) s’effectuait toujours le lundi. On ne lavait jamais plusieurs fois dans la semaine, sauf si l’on avait un bébé ou un vieillard incontinent, car les couches-culottes jetables n’existaient pas !
Celles qui habitaient loin d’un lavoir ou d’une rivière, lavaient chez elles, dehors l’été, et l’hiver, dans le fournil ou même dans un coin de la salle commune, dans une " bassiotte " (baille) installée sur un trépied.
Chez nous, nous avions un petit cabanon de bois qui nous servait de buanderie, près de la pompe où il fallait tirer l’eau à la main. Ceux qui ne possédaient pas de citerne avec une pompe allaient chercher l’eau au puits qui, souvent, faisait de 15 à 20 mètres de profondeur, parfois plus. Autant vous dire que l’on changeait de linge moins souvent qu’aujourd’hui !
On " essaimait " le linge blanc, ce qui veut dire qu’on le lavait, on le rinçait grossièrement, mais on ne le mettait pas à bouillir. Après séchage, on le montait au grenier, " à la perche " : on le plaçait sur une perche suspendue horizontalement aux poutres avec des fils de fer, afin que les rats et les souris ne le grignotent pas.
Il s’agissait des draps (changés une fois par mois), des chemises d’hommes et de femmes en toile blanche (changées tous les dimanches matin), des " débarbouillous " (serviettes de toilette), également en toile et changés aussi le dimanche, des serviettes de table et des nappes des jours de fête (le " rigal " = repas de boudins, et la ballade), des nappes de tous les jours (on n’avait pas la semaine de serviettes de table), des essuie-mains et des torchons que l’on, ne changeait que lorsqu’ils étaient trop sales, des sacs blancs servant à contenir la farine, à l’époque où l’on faisait encore son pain (jusqu’à la guerre de 1914), des mouchoirs.
C’est dire s’il fallait un beau trousseau ! … Et de grandes armoires pour tout loger !
- Préparation de la bujhaille
Aux beaux jours du printemps, l’on pensait à faire " la bujhaille " . Chez les gens plus aisés, qui étaient " bien dans leur linge ", comme l’on avait coutume de dire, la " bujhaille " ne se faisait qu’une fois par an. Mais beaucoup faisaient une deuxième " bujhaille " à l’automne, vers la Saint-Michel, avant les premiers froids.
La femme choisissait une période où elle ne serait pas dans sa " mauvaise semaine ", et où le temps paraissait être au sec.
Toute l’année, on avait soigneusement gardé les cendres du feu de cheminée (à longueur d’année la cheminée marchait pour mettre la marmite), et aussi celles du potager (fourneau sur lequel les aliments cuisaient à la braise), mais seulement celles de peuplier, les cendres des autres bois risquant de tacher le linge. Ces cendres, on les " guerelayait ", c’est à dire qu’on les passait au travers d’une " grêle " (tamis), afin d’en enlever les petits morceaux de bois ou de charbon.
- La bujhaille
Il s’agissait maintenant d’installer tout le linge qui s’était accumulé sur la perche, dans la " ponne " (grand cuveau de pierre), dans le fournil. Ma mère, native de La Fontenelle, a toujours vu, dans sa jeunesse, emprunter, par les gens du village, les ponnes du seigneur de Sainte Néomaye, qui se payait en gardant les cendres pour fumer ses prés.
C’était un art de savoir " assire la bujhaille ", de bien placer le linge afin d’en ranger le plus possible (les gens vivant en communauté, plusieurs générations ensemble, le linge d’une année représentait de nombreuses pièces).
Au fond de la ponne, on avait installé des tuiles afin que l’eau puisse s’écouler par la " channe " (trou à la base de la ponne), puis les cendres dans de gros sacs de toile blanche, avec des racines d’iris pour parfumer.
L’on plaçait d’abord le linge le plus gros : les torchons, ensuite les draps, les grosses nappes de tous les jours (autrefois, la toile cirée n’existait pas et l’on mangeait sur une nappe, la " touaille "), les chemises d’hommes et de femmes en faisant attention que les manches soient repliées vers le centre et ne touchent pas les bords de la ponne, puis le linge fin, les nappes et les serviettes des jours de fête, les serviettes de toilette, les mouchoirs, les taies d’oreillers, puis le " paquet " aux voisines. On demandait, en effet, aux voisines d’apporter un peu de linge en attendant que celles-ci fassent à leur tour la " bujhaille ", ou, si elles l’avaient déjà faite, le linge blanc qui s’était sali depuis. Cela faisait partie des petits services que l’on se rendait entre voisins. C’est pourquoi aussi le linge de chacun était marqué de ses initiales au coton rouge, afin de bien le reconnaître.
A chaque rangée, on vidait de l’eau sur le linge afin qu’il soit bien imprégné et bien tassé. Puis on remplissait la " poêlonne " (grande cuve de fonte qui comportait un fourneau et qui était placée devant la ponne, elle-même surélevée sur une maçonnerie de grosses pierres).
Le lendemain matin, on allumait le feu, et, lorsque l’eau bouillait, il s’agissait de " couler la bujhaille ", c’est à dire de prendre, avec un " potin " ou " pot à bujhaille ", l’eau de la poêlonne, et de la verser sur tout le linge, en veillant à arroser toute la surface (le " potin " était une sorte de pot en métal avec un long manche). Cette eau de cendres, bouillante, ayant traversé toute l’épaisseur du linge, venait s’écouler par la " channe " et retombait dans la poêlonne. Comme elle s’était refroidie, il s’agissait d’entretenir le feu afin que cette eau se réchauffe et reste constamment bouillante. Ce travail durait toute la journée et ne se ralentissait pas le temps du déjeuner.
Chez nous, c’était une voisine, forte comme un bœuf, qui venait " couler ", en chemise et en corselette. Bien sur, de temps à autre, une autre femme prenait sa place, car cela était très fatigant, dans la chaleur et la vapeur.
Dans certaines maisons, où vivaient ensemble plusieurs frères et sœurs avec leur famille et leurs parents, il y avait deux ponnes, une de chaque côté du fourneau, et là, bien sur, il fallait plusieurs femmes pour " couler ".
Toute la nuit, la journée suivante (et la nuit d’après), on laissait " couver " (reposer la bujhaille).
- Préparation du lavoir
Et cette journée-là, l’après-midi, on allait laver (!) le fond du lavoir pour qu’il soit très propre, afin de pouvoir rincer dans une eau claire. Pour cela, on enlevait la pelle qui, à l’extrémité du lavoir, retenait l’eau et, avec un balai, l’on frottait les pierres qui tapissaient le fond. Puis au milieu du lavoir, on installait une grande perche d’un bord à l’autre qui retenait un " balin " (grande toile de très gros chanvre). Ce " balin " séparait le lavoir en deux et en garnissait le fond, afin que le linge ne se salisse pas. Puis l’on remettait la pelle pour que le lavoir puisse se remplir durant la nuit, avec de l’eau de la fontaine, qui coulait doucement.
- De la ponne au lavoir
Le lendemain, l’on vidait la ponne et on installait tout le linge mouillé dans une charrette, dont le fond était garni de couvertures et de vieux draps, et l’on s’en allait " laver la bujhaille " (rincer).
S’il était resté quelques taches, on les savonnait dans la deuxième partie du lavoir, la plus près de la pelle. A grands coups de battoirs, les femmes faisaient sortir le savon du linge, puis elles rinçaient dans la première partie, appelée " petit lavoir ", près de la fontaine, là où l’eau est très claire.
Rincer les draps était encombrant. Aussi, une des femmes prenait un bout du drap et, de l’autre côté du lavoir, une deuxième femme attrapait l’autre bout, et elles secouaient ce drap dans l’eau en le faisant " péter " (claquer) plusieurs fois.
Cela durait une bonne partie de la journée, et l’on avait beau avoir un coussin de plumes dans son " jhenaillun " (garde-genoux), le soir, les jambes étaient bien courbaturées. S’il faisait beau, c’était encore un agrément ! Mais s’il se mettait à pleuvoir, il fallait travailler sous les parapluies (des bandes de cuir étaient clouées exprès le long du garde-genoux), car notre lavoir n’était pas couvert et l’eau coulait sur les reins !
Lorsque chaque pièce était rincée, on la tordait, les nappes et les draps à deux, et, s’il faisait très beau, on avait parfois le temps d’étendre sur des haies ou sur l’herbe du pré voisin, cette herbe ayant un pouvoir blanchissant.
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C'est marrant de voire que sur la toile, la lessive de cendre devient un phénomène "écolo". Nous redécouvrons des techniques rodé par nos ancêtres, on à du louper quelque chose dans l'histoire