par Madudu » 14 Jan 2013 22:34
Plutôt que de partir d'une liste exhaustive des essences qui poussent en France, tu devrait commencer par fixer les objectifs que tu veux atteindre. Dis autrement, quels services veux-tu obtenir de ta haie ?
Si c'est un effet brise-vent commence par t'assurer de son orientation et sa situation dans la topographie du terrain. Par exemple une haie en bas de pente sur une courbe de niveau n'a pas vraiment d'effet brise-vent. On compte qu'une haie diminue la vitesse du vent sur 10 à 20 fois sa hauteur, à condition qu'elle soit homogène. En fonction de ça tu peux te donner un objectif en terme de hauteur finale, par exemple 10m si tu veux protéger un terrain sur 100-200m. Pour les petites parcelles il n'est pas utile de viser les 20m...
Ensuite, si tu veux qu'elle soit productive, quelle production ?
-Bois de charpente : va falloir du temps et c'est en fait ton successeur qui en profitera : chênes (mais pas tous), certains conifères (mais déconseillé si le sol n'est pas carbonaté), châtaignier, peuplier (mais c'est pas conseillé), robinier (si le diamètre est suffisant, y a une variété pour ça)... en fait toutes les essences dont le bois ne craint pas trop les vers (tanins, toxines diverses, autres trucs que j'explique pas) et qui ont une résistance mécanique suffisante, ce qui dépend en bonne partie du diamètre des billes utilisées.
-Bois d’œuvres autres : essences "précieuses" qui peuvent représenter de bons placements à long terme. Merisier, une bonne partie de la famille des Sorbus (alisier, cormier...), poirier, pommier, noyer... le bois se dévalorise beaucoup si les plants présente des blessures profondes (quel que soit l'âge de la plante) ou si la taille est mal menée (noeuds bas, tige courbe...). il faut bien faire attention aux maladies qui peuvent aussi dévaloriser fortement le bois, et donc bien choisir en fonction du terrain et du climat.
-Autres matériaux : osier (saule, frêne...), piquets de clôtures (viser les bois de charpentes), fabrication de haies sèches (épineux)...
-Bois de feu : faut pas forcément viser les essences durs et denses comme le chêne. Certaines essences à croissance beaucoup plus rapide -donc plus productives- valent le coup : frêne, bouleau (attention, ça pourri très vite et là ça ne vaut plus rien), érable, hêtre... Pour exemple en "bois énergie" intensif on utilise les essences à croissance les plus rapides comme le saule (Taillis à Courtes et Très Courtes Rotation). Il vaut mieux, pour la productivité et la facilité de récolte, les mener en taillis (bourrage des trous) ou en têtards.
-Fertilisant : fourniture d'éléments minéraux ou amélioration de l'humus (abaissement du C/N). Les fixateurs d'azote sont -presque- toujours des améliorateurs de sol, et n'oubliez pas l'aulne et l'argousier. Sinon en milieu acide le bouleau est tout à fait formidable, d'autant qu'il peut pousser à des pH très bas. Sinon toutes les essences dont les feuilles se décomposent rapidement sont à coup sûr des améliorateurs de sol -en fait d'humus. Les meilleurs améliorateurs de sol sont ceux qui produisent une litière à la fois abondante (quantité) et rapidement dégradable (qualité) comme le charme, l'alisier blanc, le tilleul... en sol calcaire on peut se permettre des essences acidifiantes, dont la litière se décompose lentement ou contient des principes toxiques particuliers (polyphénols, tanins...).
-Drainage : les arbres pompent beaucoup plus d'eau dans une saison de croissance que les herbacées, et peuvent ainsi contribuer à limiter l'hydromophie. Choisir de préférence les essences hydrophile -évidemment ! Dans certains cas (nappes perchées en hiver) les essences à pivot puissant peuvent aussi rendre service, le chêne est très bon là-dedans. Les résineux sont très économes en eau.
-Nourriture : oléagineux (noyer, noisetier, olivier, pas le hêtre qui ne fructifie que trop rarement), amidon (châtaignier, glands pour les bêtes), sucres et vitamines (poire, pomme, pêche...).
-Fourrage : toutes les essences dont les feuilles sont appétantes, comme le frêne, l'orme (qui n'est plus viable en France). Les feuilles d'olivier sont très appréciées du bétail.
-Miel : les arbres mellifères sont assez nombreux et leur choix dépend beaucoup des conditions locales. Le tilleul est un des meilleurs en quantité et en régularité, mais certains pensent que son nectar est de mauvaise qualité pour les abeilles (diarrhées). Le robinier n'est productif que dans des conditions optimale (très irrégulier et uniquement dans la moitié sud). C'est en fait surtout dans la strate herbacée qu'elles trouvent leur pitance. A noter cependant que les abeilles ne produisent pas la propolis mais la récoltent sur certains bourgeons. Le peuplier est de loin le plus productif en terme de propolis. La période critique pour les abeilles est au début du printemps quand la population est nombreuse et les fleurs encore rares, les saules (tous) sont en ce sens une véritable providence pour elles. N'oubliez pas que les abeilles ont aussi besoin de pollen (protéines) et que les nectarifères ne sont pas souvent pollinifères. Les saules font les deux, et avant tout le monde !
Il y a encore d'autres services, mais ce serait long de tout passez en revu et dès que l'on s'attaque à la "biodiversité" on rencontre en fait un mur, celui de notre ignorance.
Suivant ce que tu penses prioritaire donne un ou deux rôles principaux à ta haies et évite les concessions avec les objectifs secondaires. Par exemple si ton sol est fertile, il ne faut pas se soucier des qualités fertilisantes de tes essences, mais juste ne pas trop abuser des résineux. Ou alors si ton objectif est d'assécher, renonce au bois de charpente et aux bois précieux.
Sinon, pour moi le verger est une chose bien à part de la haie, car la haie bien faite (dense et homogène) ne permet pas la récolte ou l'entretien dans de bonnes conditions. Souvent aussi ces essences de petite taille finissent par se faire dominer.