flyingdust a écrit :Une personne qui ne fait que recevoir sans donner, est rapidemment mise au ban de la société, ça c'est vérifié dans TOUTES mes expériences de vie. Il y a donc pour moi toujours contre-don.
On vit dans une société marchande où règne l'argent et la concurrence, autrement dit la loi du plus fort. Cette société, n'accepte pas la gratuité et exclu ceux qui s'y risque. Ça ne signifie pas que ça fonctionne comme ça partout et en touts temps, et encore moins que ce modèle en vigueur ici et maintenant et indépassable.
La gratification, s'auto-satisfaction, le remerciement non matériel... tout ça c'est très différent. Ça a d'autant plus de force qu'on le fait sans le chercher en retour. Et là on ne compte pas. Je n'appellerais pas ça du don contre don mais plutôt du gagnant gagnant. Chacun y gagne, même quand celui qui reçoit ne donne rien en échange : par exemple lorsqu'on soigne une personne inconsciente (sans des proches autour pour remercier en son nom).
Je crois qu'il faut bien distinguer entre échange et partage. Un bon partage ce fait en fonction des besoins de chacun et non en proportionnellement à ce qu'il peut payer (en argent ou autrement). L'échange implique que les deux parties "donnent", et suppose que ce soit équivalent. Implicitement ça conduit à considérer que équivalent = équitable = juste. L'échange implique donc toujours d'attendre en retour et quelque chose jugé équivalent. Donc on compte. Pas dans le partage, quand il n'est pas vicié par la culture marchande en vigueur. Le partage vise justement à redistribuer équitablement. Ce qui ici ne signifie pas équivalent. Donc le partage cherche à corriger les inégalité. C'est bien ce sentiment d'inégalité et d'injustice qui fait le lit du ressentiment, de la jalousie, de la vengeance.
Et donc :
flyingdust a écrit :Je pense que les échanges doivent être réduits à leur strict minimum.
Je suis entièrement d'accord avec ça.
Après est-ce qu'il faut un bon partage, quasiment une fois pour toute pour en suite éviter les partages autant que les échanges, ou cultiver les partages véritables dans la durée, je laisse la question ouverte. En tout cas pour moi, le problème n'est pas le partage, s'il n'est pas vicié, mais l'échange.
flyingdust a écrit :Pourquoi ? Parce que une fois que la nécessité d'être ensemble tombe, l'humain aspire à la solitude(bien plus que ce que la vie citadine nous permet en tous les cas), à écouter son propre rythme...
Par perversion culturelle. Notre espèce est fondamentalement sociale. Nous sommes poussés vers les autres. Nous vivons de relations humaines. Mais nous l'oublions et en venons à rechercher l'argent, le pouvoir, l'avoir. Or nous passons alors à côté de notre vie. Certains finissent par le réaliser, souvent après avoir gâché une bonne part de leur vie.
Mais attention, ça ne signifie pas que limiter les échanges matériels conduirait à passer à côté de notre vie. Bien au contraire, c'est l'aspect marchand de notre société et ce qui va avec (pouvoir, importance de l'apparence) qui nous fait courir après des fantômes stériles. Ils nous faut comprendre que pour vivre pleinement, nous avons besoin des autres, de relations, les plus enrichissantes possibles & que ça implique de débarrasser au maximum ces relations des considérations de pouvoir ou d'argent, de la concurrence, de la rivalité. En gros nous devrions cultiver des relations gratuites.
flyingdust a écrit :Pour moi c'est comme ça que l'humanité deviendra plus pacifiste: par des humains plus solitaires, plus autosuffisants, et plus SOBRES (ça n'empêche pas d'être bourré hein
)
Pour moi, pas plus solitaires, au contraire. Je parle en terme de relation, pas de densité de population. On peut être très seul dans une rame de métro bondée. Plus autosuffisant et sobres. Je rajouterais : dans des relations, à tous niveaux, fondées sur le gagnant gagnant. Pas le leurre, pour manipuler l'autre, mais la vraie recherche de solutions qui satisfont au mieux tout le monde. Et pour ça il faudrait sortir du mythe et lieu commun qui considère qu'il faut forcément un perdant pour être gagnant. Qu'il faut écraser l'autre, pour progresser,. Qu'il faut forcément un chef, etc. Bien souvent les intérêts sont conciliables... si on prend la peine de chercher à les concilier et d'abord d'essayer de comprendre les intérêts de chacun. Intérêts qu'il faut mettre en lumière, y compris les siens propres. On croit vouloir un chose, mais en fait on ne réalise pas toujours la motivation première et qu'elle peut sûrement être comblée autrement. Si on posait sur la table ce que veut chacun, on éviterait bien des querelles, notamment entre enfants, ou entre parents et enfants.
flyingdust a écrit :De plus j'ai l'impression que pour que ce système marche il lui faut un ennemi.
Par exemple à NDDL l'infâme gargamel qu'est Vinci fait office d'affreux méchant et l'anarchie libertaire fonctionne bien.
Non pas en soi. Mais souvent les mouvements les plus constructifs sont motivés par une grave injustice, et l'union est d'autant plus forte qu'on est nombreux à avoir le même ennemi, même un ennemi au sens très large, comme une épidémie, un incendie, etc. De plus c'est surtout une cause commune. Question de formulation vu qu'on peut presque toujours changer un "contre" par un "pour" et réciproquement. Même si la tendance serait trop à se chercher un ennemi que quelque chose à protéger. Et on ne voit dans la formulations des objectifs et arguments de nombreux mouvements. Beaucoup sont d'ailleurs des mouvement de protestations ou de lutte contre. Mais ce n'est pas le cas de NDDL qui a l'avantage dans la formulation comme dans les motivations d'être orienté plus dans le "pour" que dans le "contre". La "Zone À Défendre" est emblématique. C'est souvent le cas dans l'écologie où un cherche plus à protéger qu'à combattre un ennemi.
NDDL n'est pas un mouvement anarchiste, même si y-a de fortes tendances autonomistes, etc. On peut lire sur un des deux sites que le mouvement est ouvert à tous sauf au pas gentils. Et concrètement, j'ai participé à des actions avec des membres du front de Gauche et autres qui ne sont pas anarchistes.
Les mouvements anarchistes d'envergure (je ne parle pas des petits groupes autogérés souvent anonyme) sont souvent motivés par la nécessité. En Espagne comme en Ukraine, c'est le besoin qui a motivé ces mouvements. Comme ça peut l'être pour d'autres types de mouvements. C'est beaucoup moins un ennemi comme le régime autoritaire. L'ennemi principal, s'il faut le dire en ces termes, c'est la faim. Au Mexique, en revanche, je pense qu'il y a vraiment un régime comme ennemi principal. Dans les deux cas, c'est malgré cet ennemi humain, politique que les mouvements anarchistes tenaient ou tiennent, et non grâce à eux. Même si la motivation initiale est souvent un besoin communs et essentiel, qui peut notamment être de se libérer d'un ennemi oppresseur. Ce qui fait tenir le mouvement, ce n'est pas ça mais sont organisation interne, la réflexion commune sur son idéologie, etc.
Si la révolution française a rapidement aboutit à la terreur, l'empire, la restauration, tout un siècle particulièrement douloureux et sanglant (aussi à cause de l'ère industrielle), c'est à mon avis parce que le mouvement n'avait pas suffisamment de projet de construction. Il avait la motivation première. Mais pas assez derrière pour réduire suffisamment les inégalités. Contrairement aux modèles anarchistes où le niveau culturel, la qualité de l'alimentation, l'égalité des sexes, l'égalité matérielle... augmentent dans ces mouvements ; et ce malgré l'hostilité autour.