par mathildea » 23 Juin 2017 08:39
Otyugh je suis d'accord avec toi pour la première partie de ce que tu as écrit, toutefois c'est compliqué de dire à chaque fois qu'on parle de nos pratiques "jardiner à la débrouille, sans maître ni Capital" alors que permaculture est un mot puissant, concis, qui épluché contient beaucoup de notions importantes. La récupération des mots n'est pas anodine. un mot met des années à percer, tout à coup au niveau social il apparaît, et hop à ce moment là il est récupéré, détruit, broyé, on dévie son sens pour lui en donner un tout autre et on empêche du coup l'idée d'émerger, et tout aussi grave on crée une illusion, on nous égare avec des interprétations au service de l'argent et d'une caste en place.
Il en a été ainsi avec beaucoup de mots qui aujourd'hui font vomir, République, École, Médecine, Politique... à qui on associe un sens précis, et on tient à ce que telle définition colle à tel mot et pas une autre, ce qui empêche la créativité autour de ces mots de se déployer. Il est en train de se passer la même chose avec la permaculture, on l'associe à un diplôme, à une formation, au rapport prof-qui-sait et élève-ignorant-à-former, à la monétisation du savoir... C'est pour moi tout autre chose. Alors oui, on parlera de plein de choses sympa, intéressantes et rassurantes pendant les stages, je ne renie pas cela, mais structurellement le cadre donné n'est pas bon; la sphère marchande s'immisce partout, les hommes sont aujourd'hui incapables de se rencontrer gratuitement et égalitairement, nous sommes tous à ce point esclaves d'un système basé sur l'argent et la vente de soi qu'on cherche à rentabiliser toutes les manifestations de notre être en pensant s'en sortir de cette façon, et là on tombe dans le piège puisque c'est précisément ce qui est attendu de nous: nous vendre, pour alimenter l'économie globale. Que cela ne soit pas plus présent dans la tête des gens me surprend et m'afflige, ça montre à quel point ce type de fonctionnement est devenu tellement total-itaire qu'on ne peut plus imaginer autre chose et que la gratuité et la convivialité deviennent suspectes ou associés au rêve...
Quant tu dis que sauver le monde est l’apanage d'une société, je te rejoins mais le problème c'est qu'aujourd'hui, il n'y a pas de société, au sens d'une somme de personnes responsables, avec une capacité et une puissance politique, au sens le choix de peser sur les décisions et orientations d'une localité. Une poignée décide pour tous, et elle change le monde chaque jour en le détruisant méthodiquement. Quand tu dis que changer le monde n'est pas à la portée d'une poignée d'individus, c'est pourtant ce qui se passe actuellement. En deux cent ans, une poignée d'oligarques financiers avides de tout a ravagé une majorité des ressources abondantes de notre planète commune. Depuis la Révolution française et hormis les quelques tentatives de prise de pouvoir par les monarchistes, nous vivons dans l'illusion d'une République, d'une démocratie, mais encore une fois la définition mise derrière ces mots est bien loin de la devise "Liberté-Égalité-Fraternité" brandie! Cette illusion est encore pire que la monarchie puisque le peuple a l'illusion de la liberté... et du coup ne se rebelle plus.
Donc à mon sens, la permaculture peut représenter LA sortie du cloaque (j'assume le côté présomptueux de la démarche), du moment qu'on définit tous ensemble des orientations pour demain, des choix respectueux de la vie, qu'on écarte gentiment mais fermement ceux qui monopolisent le pouvoir décisionnaire qu'on devrait tous partager, qu'on fait éclater la structure maître/élève-dominé qui prévaut aujourd'hui et qui vient se glisser jusque dans la permaculture où idéalement tous les éléments d'un même système sont interdépendants!!! j'aime bien utiliser PERMACULTURE POPULAIRE, pour dire qu'on est tous concernés, et qu'en effet la permaculture va bien au delà de la mise en place d'un écosystème fertile et abondant chez soi (même si c'est déjà une belle attention et une belle direction à suivre!).
Parce que si un+un+un individus ne commencent pas à changer d'orientation de vie et refuser radicalement le régime destructeur en place, qui le fera à leur place? Je suis quand même d'accord que changer le cours des choses est affaire de société, mais au point de sclérose où on en est, c'est bien en ajoutant une somme de personnes qu'on peut re-créer une société, et on doit à mon sens passer aussi par une phase de désenfumage de tous les mensonges qu'on nous a mis dans la tête...
Bonne journée