Sur l'évolution du C/N de l'humus, du pH et de la nutrition azotée (totale et NH4 vs NO3) en fonction du temps dans une plantation monospécifique de hêtre sur sol acide :
https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-00594180/documentEn gros pendant la croissance des arbres : y a un flux d'azote du sol vers la biomasse ligneuse qui conduit à une augmentation du C/N, une plus grande compétition pour l'azote entre les ligneux et la boite microbienne qui conduit à une alimentation à base de NH4 plutôt que de NO3, et une diminution du pH.
Sur la fin : la biomasse totale ligneuse augmente moins vite (ou n'augmente plus, je me souviens pas), le flux d'N du sol vers les ligneux diminue, le flux d'N des ligneux vers le sol augmente, le C/N diminue, le pH augmente, NO3/NH4 augmente.
Bon je résume pour mémoire, donc lisez-la pour vérifier si j'ai pas dis de bêtise (en plus il me semble que j'avais lu la même chose pour le douglas, mais j'ai pas retrouvé)
Sur l'agroforesterie en Afrique de l'Ouest :
http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers12-10/010028958.pdfEtude très critique et très probe, avec une idée qui rejoint celle ci-dessus ; les arbres n'augmentent la dispo en minéraux autour d'eux que lorsque leur croissance diminue ou que la senescence (décroissance de la biomasse ligneuse) commence, y compris pour les fixateurs d'azote. Pendant toute la croissance de l'arbre la dispo en minéraux autour de lui diminue (forte compétition avec les herbacées) et s'accumule dans la biomasse ligneuse, pour n'être relarguée que lorsque cette biomasse n'augmente plus beaucoup ou diminue.
Pour finir, y a ça :
https://hal.archives-ouvertes.fr/pastel-01058253/documentJe l'ai pas encore lu, mais le résumé semble rejoindre les documents ci-dessus, cette fois-ci centré du Mg et Ca (immobilisation dans la biomasse très supérieure aux restitutions et autres flux entrants dans le sol) :
Malgré les flux préférentiels d’eau mis en évidence par le traçage au H², aucune perte par drainage de Mg²⁶ ou Ca⁴⁴ n’a été mesurée. Deux années après l’apport, il restait dans la litière 8% du Mg²⁶ et 33% du Ca⁴⁴ apportés tandis que, respectivement, 52% et 46% ont été retrouvés dans les 10 premiers cm du sol. Les traceurs, rapidement absorbés par les racines fines ont migré dans l’arbre à des vitesses très différentes: les feuilles étaient enrichies en N¹⁵ dès le mois suivant l’apport des traceurs, tandis que seuls de très faibles enrichissements en Mg²⁶ (mais pas de Ca⁴⁴) ont été mesurés dans la canopée en 2012. Le bilan en 2012 montre les arbres ont absorbé 27% de Mg²⁶ et 20% de Ca⁴⁴ et qu’ils sont majoritairement concentrés dans les tissus de la base du tronc. L’utilisation de traceurs isotopiques a permis de mettre en évidence la lenteur de la redistribution de Mg et encore plus de Ca dans l’écosystème, d’une part de la litière vers les sols et d’autre part des racines vers les canopées. Ce comportement est attribué à l’affinité de ces ions pour les charges carboxyliques portées par la matière organique.
Ma conclusion c'est que le stock de fertilité minérale du sol (en l'absence de transfert de fertilité comme c'est le cas de tes planches flyingdust) est un facteur limitant important de la productivité des écosystèmes, et que même une forêt n'est pas capable de compenser un manque par dissolution de minéraux (pas à l'échelle d'une génération d'arbre en tous cas, car trop lent) depuis la phase solide minérale du sol ou par fixation d'azote libre, et que les légumineuses ligneuses tropicales n'augmentent la dispo en N pour les autres plantes qu'elles-même que lorsqu'elles sont sur la voie de la mort, ou qu'on prélève une partie de leurs organes.
Donc qu'il ne faut pas espérer, en l'absence de transfert de fertilité, que cette dernière augmente rapidement. Et si elle le fait, c'est qu'on avait pas bien vu et qu'elle était déjà là
Par ailleurs les exemples de sols "naturels" bloqués à des niveaux de fertilité très faibles sont légions, soit à cause du climat (trop froid, trop humide) soit à cause du sol (trop vieux, trop sableux, trop calcaire, ...).
Pour finir : donc oui, il faut prendre très au sérieux les limites du vivant dans sa capacité à modifier son milieu favorablement pour lui-même. Et donc non, en l'absence de transferts de fertilité (qui ne peuvent pas se maintenir indéfiniment) les mécanismes naturels ne sont pas forcément suffisants pour maintenir ou augmenter la fertilité du milieu.